Dans le bureau (fiction politique)

Ce matin là, lorsqu’il arriva devant son bureau, le figaro était posé dessus. Il jeta sa sacoche, mais ne pris pas le temps d’accrocher son manteau. Il se laissa tomber dans son fauteuil dans un mouvement à la limite de l’effondrement. Le figaro était couvert d’un post-it jaune avec 3 lettres majuscules écrites en rouge dessus (DRP).

Il enfonça de l’index le bouton de l’intercom, et dit de sa voix rocailleuse du matin : « Faîtes moi venir le Dir’ Com’ ».

***

Le voyant vert de l’intercom se ralluma un peu plus tard dans la matinée, grésillant :
- Le directeur de la communication de l’Elysée est là.
- Faîtes le entrer.

- Bonjour Monsieur le Président.
- Bonjour André, raconte.
- Ben voilà, on vient de l’apprendre parce que c’est sorti ce matin dans le Figaro… TF1 n’en a même pas encore parlé… Mais ça fait déjà plus d’une semaine que ça traîne sur le net…
- Trop tard pour l’étouffer donc ?
- Bien trop tard… On est véritablement en situation de Désastre des Relations Publiques. En plus, on ne l’a pas vu venir, c’était parti sur Liliane Bettencourt, l’héritière l’Oréal, et ça nous retombe dessus…
- Bon, je ne suis pas là pour écouter vos jérémiades. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
- La réunion de ce matin du CabCom a donné deux résultats : première étape, laissez Eric se débrouiller.
- Quoi ? Mais il doit mener ma réforme sur les retraites ! C’est mon atout électoral, quand je dirais en 2012 aux Français que j’ai été courageux, que j’ai sauvé les retraites… ça ne peut pas rater !
- Oui, mais vous savez, c’est l’été, les médias sont en vacances, ça va peut-être se calmer tout seul. Et puis s’il tombe, mieux vaut qu’il ne vous entraîne pas dans votre chute…

***

L’intercom grésilla à nouveau :
- Le ministre du travail, Eric Woerth est là.
- Dîtes lui que je l’attends.

- Salut Nicolas, il faut qu’on parle
- Salut Eric, je t’écoute.
- Bon, écoute, je rame là… J’ai besoin d’un coup de main. Je te rappelle que Liliane, elle ne m’a pas laissé des enveloppes qu’à moi. La campagne c’était la tienne !
- Écoute moi bien, Eric, je ne vais pas te virer. Par contre, pour la place de premier ministre que je t’avais promise, faudra pas trop y compter. Par contre, j’attends de toi que tu mène ma réforme jusqu’au bout. On va les faire bosser ces flemmards !
- Ok, ok… Mais là je m’en sors plus tout seul !
- Je vais te dire, Eric, tu as l’air d’un type sérieux, honnête et droit, c’est pour ça que je t’ai pris. Sert toi de ça ! Et si ça ne marche pas, je viendrais te filer un coup de main.

***

Intercom : Le directeur de la communication pour vous

- Monsieur le président, malgré les efforts de communication de Monsieur Woerth et vos déclarations, les médias ne lâchent pas le morceau. Les éléments de langages sur le nazisme n’ont pas fait grand impact.
- On a passé combien de temps sur cette réforme des journaux et de la télévision ? Et malgré ça, on ne peut toujours pas contrôler les médias ?
- C’est internet, monsieur…

Il pressa l’intercom :
- Envoyez un mail à Kosciusko-Morizet, dîtes lui de me préparer une loi sur la délation et internet…

- Bon, André, et le parquet, on en est où avec le parquet ? Ils vont blanchir Woerth comme prévu ?
- C’est déjà sorti, Monsieur, mais on nous accuse d’être complices… Non… Là ce qu’il vous faut, c’est une autre actu pour prendre le pas…

***

Il était un peu à bout… Les cernes ciselaient son visage, il fixait l’intercom, la cravate à moitié dénouée, une barbe naissante sur les joues.

Enfin le voyant vert de l’intercom s’alluma :
- Le Directeur de la communication et Michèle Alliot-Marie sont là
- Dépêchez vous de les faire entrer.

MAM: Salut nicolas,
DirCom: Monsieur le président
N.: Salut Michèle, bonjour André.
MAM: Nicolas, je discutais avec André, on a peut-être un truc pour nous sortir de là.
DirCom: Monsieur le président, comme vous le savez, on a un otage en Mauritanie.
N.: Qu’est-ce qu’ils veulent ?
MAM: Officiellement, la libération des terroristes qui ont fait les attentats en France. Officieusement, nos spécialistes pensent qu’avec 150 000 euros de rançon, on peut le récupérer. J’ai largement le budget pour… la semaine d’exercices des chasseurs Alpins attendra l’année prochaine.
DirCom.: Cependant, si vous voulez vraiment changer le sujet principal des médias, je vous conseil de choquer l’opinion…
N.: Vous suggérez de le laisser mourir ?
DirCom: C’est le client parfait ! 78ans, pas de famille, très peu d’amis, cardiaque… Au pire, on lui raccourcit sa vie de 4-5 ans, mais il a déjà dépassé l’espérance de vie d’un homme…
MAM: En plus, pas de proches, personne n’ira remuer ciel et terre pour savoir ce qui s’est vraiment passé.
N.: J’espère bien, parce qu’un KarachiBis, c’est tout ce que nous n’avons pas besoin.
MAM: J’ai déjà les opérations spéciales qui sont sur le coup, elles ont repéré le camp dans lequel il était détenu quelques jours plus tôt.  Ils l’ont déplacé depuis, mais il reste l’arrière garde.
N.: Ok, allez-y.

***

MAM: L’opération est un demi-succès. On a tué 6 membres d’Al-Quaida, et ils ont tué l’otage.
DirCom : Les médias s’en foutent… A part Bakchich qui se pose quelques questions, rien de qui ne prenne le pas sur l’affaire…
MAM.: Ca justifiera l’envoie de troupe en Mauritanie, c’est toujours ça…
N.: Georges m’avait dit que ça marchait, mais je ne voulais pas le croire… Enfin bon, il faut trouver un autre truc maintenant !

***

DirCom: Non, ça ne marchera jamais… C’est trop gros…
N.: Si, c’est mon idée, ça marchera ! C’est de la bonne politique en plus, on va ramasser à l’extrême-droite. Il faut préparer 2012 !
DirCom: Ca ne passera jamais, l’opinion publique connaît la chanson. Ils vous attendent au tournant, ils vont vous taxer de racisme, surtout après le coup d’épée dans l’eau avec les Roms.
N.: Ca va marcher je vous dit !

L’index sur l’intercom, il se pencha en avant pour dire :
- Faîtes venir Eric
- Monsieur le ministre du travail ?
- Non, non, l’autre, Besson…
***

Besson entra dans la pièce. Son menton était plus fuyant que jamais. Ses yeux, tels ceux d’un mammifère carnivore au pelage brun-gris court sur pattes, exprimaient l’inquiétude de savoir de quel dossier il allait devoir s’occuper.

DirCom: Tous les spécialistes vous disent que ça ne passera jamais le conseil constitutionnel ! Les sages ne laisseront pas passer ça. Il va falloir faire limer toutes les mairies et retirer le mot « égalité » d’entre « liberté » et « fraternité ».
N.: Bon Eric, la déchéance de la nationalité des arabes et des noirs, c’est toi qui t’en charge. Tu viens du PS, t’es à l’abri des accusations de racisme. En plus, tu tomberas pas plus bas que pour le coup du débat sur l’identité nationale.
E.B.: Heu… Je dois vous prévenir… J’ai voté pour la loi Guigou qui allait dans le sens opposé en 98.
N. : Eh ben ? Moi je me suis bien exprimé contre la double pleine y’a quelques années à peine ! Ca va passer !
E.B.: Bon d’accord… Enfin après ça, j’aurais plus qu’à poser ma candidature au FN…
N.: Arrête de déconner, sinon sur France Inter, ils vont devoir ré-embaucher Guillon avec des excuses…

***

La suite, à la télé, chez vos marchands de journaux, et sur internet…

Toute ressemblance avec des faits existants serait purem… … … … et merde !

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